Lubero : Les massacres des Adf/Nalu sont-ils oubliés par Kinshasa ? [Tribune de Jean Chrysostome Vahamwiti]

« Nous devons parler car le peuple souffre. Nous devons parler aux chefs d’ État,  il faut parler aux dirigeants », ainsi criait Mgr  Emmanuel Kataliko, Archevêque de Bukavu, le 15/9/2000, deux semaines avant sa mort le 4 octobre 2000. 

En ce mois d’ octobre 2025, 25 ans après sa mort, ce cri d’ alarme a la même consistance pour la population de Lubero qui, en plus de l’ occupation de sa partie Sud par le M23- Afc, subit des massacres intensifs dans sa partie Nord (secteur des Bapere et groupements Manzia, Bulengya, Muhola, Mwenye et Luongo au nord de la chefferie des Baswagha). 

La  partie ouest du territoire de Beni au Nord Kivu et le territoire de Irumu en Ituri connaissent des massacres similaires des Adf Nalu.

Le territoire de Lubero compte déjà plus de 1.000 personnes sauvagement massacrées ou disparues dans un intervalle d’ une année,  depuis le 12 juin 2024, jour où les massacres des Adf- Nalu ont migré du territoire de Beni vers celui de Lubero, dix ans après l’apparition de ce phénomène odieux. 

De plus en plus, à Kinshasa, siège des institutions, on parle de ces morts comme des faits divers et la population de Lubero ne cache plus son désarroi quant au manque d’ hommages solennels à l’ endroit de ces compatriotes qui perdent la vie de façon inattendue. 

Sur terrain, un statut quo si pas un enlisement s’observe malgré l’opération Shujaa, qui est une action conjointe Fardc- Updf (armée ougandaise).

Dernièrement, le commandant ougandais Updf, conscient de la limite actuelle de l’opération Shujaa a même proposé le « local defens », une auto organisation des populations civiles bien différente des actuels wazalendo, que l’Ouganda, dans son contexte,  avait expérimenté à son temps.

Voici une comptabilité macabre des morts du 12 juin 2024, massacres de Makengu,  au 12/10/2025, massacres de Mukondo/Katanga en territoire de Lubero.

Makengu: 34; Mabete et Gelumbe: 25; Kyanganda:30; 

Kili et Supa: 22; Masingi: 6 et un centre de santé brûlé; Mambu et Maiba: 8; Maiba et Ombole: 35; Bandulu: 11 et deux tracteurs d’ entretien routier; Bilulu et Makaburi: 11; Lumba et Sizambale/Mwenye: 16; Bilendu/Vutata: 16; Nagoya-Vupara- Vingyo: 90; Makoko-Mapanga-Kiseghe-Mulambi: 143 dont le chef du groupement Bulengya( Kasimba Charles); Mabosio-Robinet-Makusa: 36; Njiapanda: 2; Masema: 20; Antatele: 25; Mutaweza- Kenge-Melia: 25; Ntoyo:70 et 14 maisons, 8 motos et 1 camion; Kasanga- Fungula Macho: 6; Itembo-Kasenye; Mukondo/ Katanga: 17 morts et 26 maisons.

Les Adf- Nalu se promènent dans un rayon de 100 km allant de la localité Vuyinga, en chefferie des Baswagha, à Manguredjipa, chef lieu du secteur des Bapere, une nouvelle zone de peuplement où prospère la culture du cacao qui attire les populations venant de tous les coins de Lubero et Beni. A longueur des nuits et des journées, la population erre dans la nature tentant de fuir la mort sans préavis. 

Face à ce tableau apocalyptique, la population de Lubero, victime, se pose plusieurs questions ? 

Le président de la République, Félix Tshisekedi, a-t-il la vraie information sur ce drame?  Pourquoi nos forces de l’ordre et de renseignements n’anticipent pas ces massacres malgré les alertes de la population ? Quel est le véritable rôle suppletif de multiples groupes des wazalendo dans cette contrée ? Pourquoi la collaboration entre forces de l’ordre et population est elle souvent déficitaire ? Pourquoi dans certains cas la population civile est la cible de nos forces de l’ordre et de renseignement? 

Dans quelles conditions travaillent réellement nos forces engagées dans ces opérations périlleuses ? Comment s’assurer que certains commandants sur terrain s’occupent des opérations plutôt que des affaires et des raquettes ? Pourquoi sous l’opération Shujaa, les Adf Nalu ont été poussés de la frontière ougandaise vers les parties ouest de Beni et Lubero? Pourquoi les populations affectées ne sont pas assistées par le gouvernement central ? Comment le gouvernement compte-t- il immortaliser la mémoire de ces victimes innocentes si même un simple deuil national n’est pas décrété ? 

Aujourd’hui hui que les massacres des Adf Nalu en Lubero tuent probablement plus que la guerre du M23 Afc, le président de la République,  Félix Tshisekedi, devrait créer une commission spéciale chargée de la question Adf Nalu pour analyser les causes profondes et réelles de l’ intensification de ce phénomène en Beni, Lubero et Irumu sur 11 ans (depuis octobre 2014).

Aussi, la  responsabilité des élus tant nationaux que provinciaux du territoire de Lubero est également engagée. Leur rôle doit aller au delà de celui de la société civile qui se limite à de simples déclarations pleines de voeux. 

Leur travail doit egalement aller au delà de l’assistance sociale en poussant le gouvernement national à des actions concrètes visant l’amélioration de la sécurité dans les zones sous contrôle gouvernemental de Lubero car ils ont tous les instruments de contrôle sur le gouvernement et le peuple est témoin de leurs prouesses quand il s’agit de réclamer la majoration des émoluments auprès de l’exécutif national. 

Pour qui a vécu et analysé ces massacres des Adf Nalu  sur ses 11 ans, il pourrait s’interroger sur la passivité  de la communauté nationale et  internationale alors qu’elle se mobilise instinctivement face à une braqueuse de banques dénudée à Kinshasa ! 

Enfin, il n’est point nécessaire de le rappeler, car cela est encore frais, qu’aux élections de 2018, les massacres de Beni ont servi de base de campagne électorale  pour l’opposition. La persistance des massacres des Adf Nalu en Territoires de Lubero, Beni au Nord Kivu et d’Irumu en Ituri est une bombe politique en retardement avec ses non dit qu’il faut désamorcer dès maintenant car les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Reflechissons nouvelles strategies tout en gardant  une pensée pieuse pour les victimes innocentes de ces massacres des Adf/Nalu, civiles comme membres des FARDC et des forces de l’ordre.

Par Vahamwiti Mukesyayira Jean Chrysostome, ministre honoraire et Président National du Mouvement Social pour le Renouveau (MSR)

Une réponse

  1. Le peuple observe et il écrira sa propre histoire dans sa propre langue. Nous pouvons ne pas savoir d’où nous venons mais au moins on sait déjà d’où allons et avec qui.

    Heureusement que nous avons nos quelques vaillants qui portent haut la voix des sans voix.
    Félicitations au vaillants vahamwiti mukeshayira. Même si les dirigeants peuvent ne pas entendre, Dieu,lui, entendra sans délai.

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