L’État et l’Église : Un éternel recommencement (Par Benjamin Babunga)

Nous sommes le 25 janvier 1972. Le Gouvernement du Zaïre, à travers l’Office Zaïrois de Radiodiffusion et Télévision (Ozrt), lance sa campagne de médisance contre le Cardinal Albert MALULA.

Il est midi ce jour-là lorsque le journal parlé de « La Voix du Zaïre » (radio officielle du Zaïre) s’ouvre par une « carte blanche », une sorte d’éditorial. Elle est lue par le célèbre journaliste Alphonse MAVUNGU et s’intitule « Le voile d’un Archevêque ».

L’éditorial de Mavungu accusera le Cardinal Malula d’avoir été « la vipère qui a dirigé son venin contre la révolution que mène le Président-Fondateur Mobutu ». Le Cardinal Malula sera qualifié de « un illuminé de la protestation négativiste, produit du chantage et de la subversion néocolonialiste, archevêque caméléon, récidiviste et indécrottable ».

En début d’après-midi, le Directeur du Bureau politique du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), Citoyen Prosper Madrandele Tanzi, annoncera que le Cardinal Malula ne figurait plus parmi les dignitaires de l’Ordre National du Léopard et qu’il devait, sans délai, quitter sa résidence située à proximité du Stade Tata Raphaël à Kinshasa.

L’escalade va aller crescendo. Le lendemain (26 janvier), le Bureau politique du MPR chargera le Ministre de la Justice de déposer une plainte contre le Cardinal Malula. Craignant pour la sécurité du prélat, Vatican décidera, le 11 février 1972, de rappeler le Cardinal Malula à Rome, pour une durée indéterminée.

MAIS COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
Tout part de la politique du « retour à l’authenticité » lancée par le Président Mobutu Sese Seko vers le début des années 70. Mobutu lui-même va s’appeler Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga. Il précisera d’ailleurs : « … aucun de mes aïeux n’avait ces prénoms ronflants que nous impose ce qu’on appelle la conversion au Christ… ».

En janvier 1972, le Congrès du MPR (Parti-Etat) décidera de l’interdiction de tout prénom chrétien. Dès lors, l’état-civil se mit à enregistrer sur les pièces d’identité les « post-noms », authentiques. Les prénoms chrétiens furent précédés, dans la vie courante, du mot « ex ». On assista alors à des « ex-Charles », « ex-Véronique », etc. Mobutu va même interdire au clergé de baptiser les enfants avec des prénoms chrétiens, sous peine des poursuites judiciaires.

C’est là que le Cardinal Albert Malula fera publier un éditorial dans l’hebdomadaire « Afrique Chrétienne », dans lequel il résumera sa pensée sur ce qui se passait au Zaïre. Le Cardinal Malula va reconnaître le caractère légitime de la politique de Mobutu quant à « un développement culturel authentique africain », mais rejetera les excès, les dérapages et l’irrationalité. Cet éditorial sera perçu par Mobutu et le Bureau Politique du MPR comme un casusbelli.

Le Cardinal Malula passera 5 mois au Vatican. En juillet 1972, à la grande surprise, Mobutu annoncera aux membres du Bureau Politique du MPR qu’il avait accordé son pardon au Cardinal Malula (lequel lui aurait envoyé une lettre confidentielle dont il n’avait pas révélé le contenu) et qu’il était autorisé à rentrer de nouveau au Zaïre.

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