Le régime hostile du Congo pourrait être le directeur de campagne idéal du candidat papal
Autrefois, les monarques et les empereurs qui gouvernaient les grandes puissances catholiques de l’époque revendiquaient ce qu’ils décrivaient de manière plutôt fantaisiste comme un jus exclusivae, ou « droit d’exclusion », lors des élections papales, c’est-à-dire le pouvoir d’exercer un veto sur un candidat particulier. .
La dernière fois que ce droit d’exclusion fut invoqué, c’était en 1903, lorsque l’empereur François-Joseph d’Autriche s’opposa au choix éventuel du cardinal Mariano Rampolla, que les Autrichiens considéraient comme excessivement pro-français. En conséquence, le cardinal Giuseppe Sarto de Venise fut élu pape Pie X, et l’un de ses premiers actes fut de publier un Commissum nobis le 20 janvier 1904, abolissant de fait le veto impérial.
Il y a aujourd’hui un sens ironique dans lequel le jus exclusivae continue de perdurer, mais avec l’effet inverse : la perception des efforts des pouvoirs laïques pour bloquer la carrière d’un homme d’Église donné stimule sans doute, plutôt que de retarder, ses perspectives papales.
Un rappel nous vient en ce moment de la République démocratique du Congo, où une nouvelle information judiciaire contre le cardinal Fridolin Ambongo de Kinshasa pour sédition, notamment fomentation de désobéissance au sein des forces armées du pays, semble être une tentative assez transparente d’intimidation. et museler le prélat de 64 ans, souvent épine dans le pied du gouvernement congolais.
En effet, le régime du président Félix Tshisekedi pourrait rendre un immense service à Ambongo en renforçant sa célébrité mondiale, le transformant potentiellement en martyr et en cause célèbre. Si tel était le cas, ce serait un résultat particulièrement ironique pour Tshisekedi, dont le grand-oncle a été évêque catholique au Congo pendant 28 ans.
Malgré ce pedigree, les relations de Tshisekedi avec la génération actuelle de hiérarques catholiques du pays, en particulier Ambongo, n’ont jamais été étroites. D’une part, Tshisekedi s’est éloigné de ses racines catholiques, pratiquant dans une méga-église pentecôtiste appelée le Centre missionnaire Philadelphie et s’entourant d’un groupe de pasteurs-conseillers pentecôtistes et évangéliques.
Plus fondamentalement, Ambongo et ses confrères évêques ont constamment critiqué Tshisekedi pour des raisons de justice sociale, accusant le gouvernement de prétendues déficiences démocratiques, de son incapacité à remédier à une situation sécuritaire désastreuse dans l’est du Congo, et du rôle des intérêts miniers multinationaux. dans les affaires nationales et dans une foule d’autres questions.
Il faut dire qu’Ambongo perpétue ainsi une grande tradition africaine et congolaise. Dans de nombreux pays africains, où la société civile est sous-développée et l’opposition politique étouffée, les églises sont souvent la seule sphère de la vie où une vision véritablement alternative peut être articulée. En conséquence, les chefs religieux jouent souvent un rôle directement politique qui, au regard des normes occidentales de séparation entre l’Église et l’État, peut sembler excessif.
Pour prendre un exemple classique, le prédécesseur d’Ambongo à Kinshasa, le regretté cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, a été président d’un « Haut Conseil de la République » de transition après la fin du régime de Mobutu Sese Seko, faisant de Monsengwo le chef de facto du pays. État. Il a ensuite également été président de transition du parlement national en 1994.
Ce qui rend tout cela pertinent pour les élections papales, c’est qu’Ambongo est récemment apparu comme un nouveau papabile, ou candidat au poste de pape, principalement en raison de sa gestion habile de la résistance africaine à la Fiducia Supplicans, le document hyper controversé du Vatican autorisant bénédiction des couplesdans les unions homosexuelles.
En tant que président élu des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), Ambongo a conduit ses confrères prélats africains à rédiger une déclaration commune déclarant la Fiducia lettre morte sur le continent. Pourtant, il a publié cette déclaration avec la bénédiction du pape François et en coordination avec le cardinal Victor Manuel Fernández, chef du Dicastère pour la doctrine de la foi et principal auteur de Fiducia, gagnant ainsi le respect à la fois des critiques du document et des partisans de lele pape.
Ayant ainsi fait tourner les têtes sur une question ad intra, c’est-à-dire une question qui relève de la vie interne de l’Église, le rôle ad extra d’Ambongo est désormais sous le feu des projecteurs grâce aux efforts du gouvernement congolais pour le faire taire.
En mars, le Congo a annoncé qu’il levait une interdiction de la peine de mort vieille de deux décennies, rétablissant la peine capitale pour les cas de trahison et d’espionnage. Même si personne ne s’attend sérieusement à ce que les procureurs cherchent à mettre à mort Ambongo, les accusations de sédition dans un pays confronté à une rébellion armée ne sont pas une plaisanterie, et il est difficile de prédire à ce stade quelle pourrait être la gravité de la menace qui pèse sur Ambongo.
Si l’enquête aboutissait à des accusations ou à d’autres mesures juridiques, une conséquence prévisible serait de faire du sort d’Ambongo un sujet de préoccupation catholique mondiale, ce qui rehausserait considérablement sa visibilité.
En termes de politique papale, non seulement cela donnerait à Ambongo une plus grande reconnaissance, mais cela mettrait également en lumière des aspects de son curriculum vitae susceptibles de trouver un écho auprès des électeurs de la « continuité », c’est-à-dire des cardinaux souhaitant faire avancer le programme du pape François. Son rôle au sein de Fiducia a bien joué auprès des conservateurs, mais ses conflits avec le gouvernement congolais reposent en grande partie sur les arguments classiques du pape François.
Lorsque le pontife s’est rendu dans le pays en janvier 2023, il a dénoncé le colonialisme économique, en insistant : « Ne touchez pas à la République démocratique du Congo, ne touchez pas à l’Afrique ! Ce n’est pas une mine à démanteler, ni un terrain à piller.
Aujourd’hui, Ambongo confirme ce message, au prix d’un certain degré de risque personnel, d’une manière que les partisans de François ne peuvent s’empêcher d’admirer.
En d’autres termes, en tentant d’étouffer Ambongo, le régime congolais pourrait, par inadvertance, se révéler le meilleur directeur de campagne qu’un papabile puisse avoir – qu’il le veuille ou non.
Une réponse
J’ai aimé votre analyse, en effet vous n’avez pas tort, cette poursuite rehausse la visibilité de Ambongo et le met aussi en risque notre prélat, un risque éphémère, ben