Pour le professeur et politologue de l’ULg Bob Kabamba, Félix Tshisekedi a franchi la ligne rouge.
Vendredi 13 septembre en fin de journée, le verdict est tombé dans le procès pour l’étrange tentative de coup d’État du 29 mai dernier en République démocratique du Congo.
Jean-Jacques Wondo, l’expert militaire belge débarqué à Kinshasa à l’invitation des plus hautes autorités en février 2024 pour “humaniser” les services de renseignement, est condamné à mort et considéré comme le “cerveau” de cette aventure bancale, presque surréaliste.
Dans la foulée de la condamnation, le SPF Affaires étrangères belges, sous la plume du porte-parole David Jordens, s’est dit “surpris” de la condamnation de Jean-Jacques Wondo “compte tenu du peu d’éléments fournis lors du procès” et trouve cette sentence capitale “particulièrement inquiétante”.
Dimanche, notre ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, publiait un communiqué sur X sur son entretien avec son homologue congolaise sur ce dossier en mettant en avant sa “vive inquiétude face à la condamnation de Jean-Jacques Wondo” et en rappelant “l’opposition absolue de la Belgique à la peine de mort” avant d’insister sur le fait que “le droit à la défense doit toujours être respecté”.
Dans la foulée de ce message La Libre Belgique a appris de source officielle que l’ambassadeur de la RDC avait été convoqué ce lundi aux Affaires étrangères belges.
”Une convocation d’ambassadeur, ce n’est pas banal”, explique le politologue, spécialiste de l’Afrique, Bob Kabamba de l’Université de Liège. “Le message est fort et clair.
Cette condamnation à mort de Jean-Jacques Wondo est une ligne rouge franchie par le pouvoir congolais. C’est un rappel évident. Les bonnes relations dont se prévaut sans cesse Félix Tshisekedi avec les plus hautes autorités belges ne l’autorisent pas à faire n’importe quoi..”
Cette convocation pourrait donc avoir des conséquences sur les relations entre nos deux pays ? “Oui, clairement, on va dire qu’il y a de l’eau dans le gaz entre les deux pays.”
Question subsidiaire, que peut valoir une convocation par un gouvernement en affaires courantes et alors que la ministre Lahbib est sur le départ… “Cette démarche ne peut se faire qu’en bonne collaboration avec les négociateurs du futur gouvernement”, poursuit Bob Kabamba.
Cette convocation de l’ambassadeur de la République démocratique du Congo par les Affaires étrangères, la mise au point des relations entre les deux États, était devenue une nécessité tant le pouvoir de Félix Tshisekedi s’est embarqué sur une pente dangereuse qui mène aux pires dérives dictatoriales.
La Belgique s’est montrée particulièrement bien disposée jusqu’ici à l’égard d’un pouvoir qui a multiplié les sorties de routes illégales depuis de longs mois en se moquant notamment des prescrits de sa constitution pour constituer sa Cour constitutionnelle et l’équipe de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Deux éléments qui ont débouché en décembre 2023 sur le scrutin présidentiel et législatif le plus “chaotique” de la jeune histoire de la “démocratie” congolaise sous l’œil bienveillant d’une diplomatie belge, européenne et internationale.
Mais ces derniers temps, la dérive meurtrière a rendu cette relation insupportable. En quelques jours, la communauté internationale a assisté tétanisé à un pseudo coup d’État, au massacre de civils dans divers endroits du pays, notamment le Haut-Katanga.
Depuis le 2 septembre, le rythme s’est encore accéléré avec la tuerie de centaines de prisonniers dans la prison de Makala, l’enlèvement en pleine journée d’un leader politique de l’opposition, porté disparu pendant plus de dix jours et enfin, ce vendredi 13 septembre, la condamnation à mort de 37 prévenus (dont un Belge et trois Américains) dans le procès pour cette tentative de putsch, alors que le moratoire sur l’exécution de la peine de mort a été levé le 13 mars dernier.
Impossible aussi d’oublier l’assassinat, présenté comme un suicide par le premier magistrat du pays, le procureur Mvonde, de Chérubin Okende, ancien ministre et porte-parole de l’opposition, le 13 juillet 2023. On peut espérer que ce réveil de Bruxelles permettra notamment à la défense de M. Okende d’accéder au rapport de l’experte belge envoyée à Kinshasa, à la demande des autorités congolaises, au début du mois d’août 2023.
Tiré de La Libre Belgique ✍️