Foot – Un stade moderne de 60.000 places à Kinshasa, oui, mais pas dans la commune enclavée de N’Djili (Tribune d’Achille KADIMA)

Un nouveau stade moderne de 60 000 places sera bientôt construit à la place Sainte-Thérèse, dans la commune de N’Djili. Le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, a présenté ce projet lors du Conseil des ministres tenu le vendredi 23 août dernier. 

L’idée d’ériger un nouvel antre pour le football et bien d’autres disciplines sportives à Kinshasa enchante plus d’un sportif. Mais pas le choix de la commune de N’djili, une des vieilles cités planifiées par les Belges avec Bandalungwa, Lemba et Matete. 

Je donne mon modeste point de vue, qui n’est cependant pas loin de celui de différents experts sur les transformations du spectacle de football et sur leurs conséquences en termes d’aménagement, de mixité des publics et de redéfinition des identités urbaines. 

Ces travaux de modernisation s’inscrivent dans un mouvement plus général de transformation du spectacle de football, étroitement associé à une volonté de sécuriser les stades et leurs abords, d’attirer de nouveaux publics et d’optimiser la rentabilité des équipements. 

Apparu en Angleterre au tournant des années 1990 à la suite de drames liés à la vétusté des enceintes stade de Hillsborough à Sheffield en 1989 ou à la violence des hooligans drame du Heysel à Bruxelles en 1985-, ce mouvement touche à des degrés variés l’ensemble des pays européens. Le phénomène s’étend aussi en Afrique. 

À l’échelle des agglomérations, les clubs voire les pays privilégient désormais des localisations extra-urbaines, afin de disposer de l’espace nécessaire pour transformer le stade en point d’ancrage d’un complexe ludico-sportif plus large centres commerciaux, musées, cinémas… 

Les experts comme Aurélien Delpirou et Stéphane Mourlane expliquent que ces choix d’implantation sont souvent le fruit de compromis entre acteurs politiques et acteurs économiques locaux; ils font l’objet de montages financiers et opérationnels complexes, fondés notamment sur des partenariats public–privé. 

En France, PSG, Marseille ou Lens ont certes opté pour la restructuration de grande ampleur de leurs stades. Mais Lyon, Bordeaux, Lille et Nice ont fait en 2021 le choix d’investir dans la construction de stades flambants neufs, en périphérie de leurs villes respectives, pour pouvoir accueillir plus de supporters et moderniser leurs infrastructures. 

En Afrique, le Congo-Brazzaville a construit un stade à Kintele, dans la périphérie de la capitale. Au Cameroun, le stade d’Olembé, 60.000 places, est érigé à 13 km du centre-ville de la capitale, Yaoundé. 

La Côte d’Ivoire, hôte de la CAN 2024, a construit sa plus grande marmite, le stade Alassane-Ouattara, surnommé «stade olympique d’Ébimpé», dans la banlieue nord, à 28 km du centre des affaires d’Abidjan. Avant d’y rencontrer la Guinée en 1/4 et la Côte d’Ivoire en 1/2, les Léopards de la République démocratique du Congo ont joué leurs matchs de poule au Stade Laurent Pokou de San Pedro, également bâti dans la périphérie de cette ville portuaire. 

Le Maroc est en train de sortir de terre un stade de 72 000 places à Benslimane, à quelque 40km de Casablanca. Les travaux devraient commencer en 2025 pour une fin de chantier annoncée en 2028 et un coût de 500 millions d’euros. 

Ces quelques cas démontrent que le projet de Budimbu de bâtir un stade, moderne soit-il, à N’djili, une commune enclavée, dépourvue de vastes voies d’accès, nage à contre-courant des pratiques en vogue. 

A N’Djili, les routes sont en mauvais état et ne suffisent pas à répondre aux besoins d’une ville croissante. Il n’y a pas non plus d’espaces disponibles pour aménager de nouvelles voies. «Avec ses étendues à perte de vue, Maluku, la plus grande commune de la capitale, ferait l’affaire»,

plaide Lolo Mosango, dirigeant sportif et promoteur du Centre de formation de football Belor, basé à Kinshasa. 

Achille KADIMA MULAMBA

(Journaliste/ancien conseiller au ministère des Sports)

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